Litté-13
Couverture Easter paradeTitre original : The Easter Parade 
Titre français : Easter Parade 
Auteur : Richard Yates 
Parution : 1976 
Pays : États-Unis 

Type : Roman 
Genre : Drame 
Mouvement : Réalisme 

Édition : Robert Laffont 
Collection : Pavillons poche 
Traducteur : Aline Azoulay-Pacvon 
Nombre de pages : 328 p. 

Quatrième de couverture : Décrire «la vie comme elle va » : on pourrait résumer ainsi l’ambition et la morale de ce roman que Richard Yates, l’auteur de La Fenêtre panoramique et de Onze histoires de solitude, a consacré à son thème favori, l’« american way of life », et à ses héros favoris, les gens ordinaires. On y suit l’existence de deux sœurs, Emily et Sarah, depuis leur plus tendre enfance jusqu’à l’âge mûr. Elles connaîtront des instants de joie et parfois de plaisir, elles se marieront, divorceront, auront des aventures. Pendant que leurs parents, deux excentriques, vieilliront avant de disparaître. Dans le style plein de retenue et de simplicité qui a fait de lui l’un des « grands » des lettres américaines de la seconde moitié du XXe siècle, Richard Yates parvient à atteindre une profondeur bouleversante en évitant tout pathos. Avec un brio hors pair, son roman incite le lecteur à une passionnante réflexion sur l’existence. 

Note : 20/20 
Avis : Easter Parade raconte l’histoire de deux sœurs, mais surtout du point de vue d’Emily que l’on suit à travers toute sa vie. Ce personnage rappelle beaucoup Yates lui-même : ses parents ont divorcé lorsqu’il avait trois ans (Emily en a quatre, dans le roman), il a changé de nombreuses fois de résidence durant son enfance, comme les deux sœurs, sa mère se surnommait Dookie (Pookie est le surnom de la mère des deux fillettes) et il est devenu, pendant un temps, journaliste comme Emily. Il s’est sûrement inspiré de sa propre vie pour créer ce personnage de femme libérée, hantée par les souvenirs et bercée par des illusions. 

Yates nous dresse un portrait des femmes libérées des années 20 à 70 à travers trois femmes : les sœurs Grimes, Sarah l’aînée et Emily la cadette, et leur mère Pookie, divorcée et qui rêve de faire fortune en étant agente immobilière. Alors que Sarah rêve de mariage et est traditionnaliste, puisqu’elle reste vierge jusqu’à ce qu’elle épouse Tony, mais sera fortement déçue au final, mais elle croit si fort à cet emblème sacré qu’elle refuse de divorcer. Emily, quant à elle, n’a jamais connu l’amour de ses parents qui se disputaient, presque, sa sœur : elle passera alors dans les bras de plusieurs hommes, qu’elle croira aimer, se maria, divorcera et finira seule, au chômage. Elle avait pourtant un très bel avenir : diplômé de l’Université en littérature anglaise, elle était journaliste pour des petites revues, mais elle rêvait d’écrire des véritables articles qui ne verront jamais le jour. 

Emily représente le Rêve Américain du point de vue des femmes de l’époque : libre, célibataire, elle se fiche de ce que les gens pensent et elle ne suit aucunement les traditions. Elle couche avec qui elle veut, elle fait ce qu’elle veut, elle ne dépend d’aucun homme et personne ne dépend d’elle. Mais est-elle réellement libérée ou bien n’est-elle pas une femme brisée, tourmentée, qui se cherche en fin de compte ? Emily se cherche, du début à la fin, et elle se cherche un homme. Le seul qu’elle n’aimera jamais, qu’elle suppliera à genoux de rester, finira par la quitter pour retourner avec son ex-femme. Elle n’est pas libérée et elle ne le sera jamais, puisque les souvenirs d’un passé heureux, lointain la hantera à tout jamais, et même les hommes qu’elle n’a aimé qu’un seul soir la hante. Emily finit par se rendre compte, lorsqu’elle est seule, qu’aucun d’eux ne l’a jamais vraiment aimé (à l’exception d’un seul, peut-être), qu’elle n’a jamais été rien de plus qu’un objet, un passe-temps … Elle est prise dans un cercle vicieux dont elle ne sortira jamais. D’ailleurs, même le titre réfère à un passé lointain, dans lequel les sœurs Grimes étaient jeunes, pleines d’ambitions et de rêves qui se briseront : Easter Parade réfère à la photo de Sarah et son mari Tony, alors qu’ils étaient fiancés, jeunes, beaux, présents à la Parade du printemps – moment immortalisé par un journaliste qui a pris la photo. L’ironie est qu’à l’enterrement de Sarah, Emily fait tomber cette photo par mégarde et n’y jette qu’un bref coup d’œil. On fait, d’ailleurs, à quelques reprises références à cette photo, au cours du roman, comme si Yates voulait sans cesse nous rappeler qu’autrefois elles ont été jeunes, belles et qu’elles avaient un avenir plein d’espoir. 

C’est un roman très pessimiste de la condition de la femme à l’époque, prise dans un engrenage. Le Rêve Américain des femmes qui se brise en des milliers d’éclats. 

Extrait : Et c’était une partie de son problème : elle vivait dans ses souvenirs en permanence. Aucune vision, aucun bruit ni aucune odeur dans tout New York ne manquait de réveiller un vieux souvenir ; où qu’elle se promène (et il lui arrivait de se promener des heures entières), elle ne rencontrait que le passé.



33/100